Le recyclage du béton
Même si le béton est produit à partir de matières premières disponibles en grande quantité sur Terre, son bilan carbone n’en reste pas moins catastrophique. Tout au long de son cycle de vie, de l’extraction de ses ressources à sa destruction, le béton consomme de l’énergie. Cette même énergie, qui sert à fournir le carburant aux engins de chantier, à produire le ciment, à fabriquer le béton et à le transporter, représente une source importante de pollution. Face aux enjeux climatiques actuels, il est temps d’agir ! Mais, comment réduire l’impact environnemental du béton ? Le recyclage du béton est-il une solution réellement intéressante à exploiter ?
Introduction
En France, 260 millions de tonnes de déchets par an proviennent du secteur du BTP (Bâtiment Travaux Publics). L’État incite fortement les grands groupes de l’industrie du ciment et du béton à contribuer au recyclage. En effet, les autorisations pour ouvrir de nouvelles carrières sont de plus en plus compliquées à obtenir bien que le béton soit toujours l’un des matériaux les plus utilisés au monde !
Le contexte
La récupération des granulats de béton provenant de démolitions ou de déconstructions d’ouvrages semble être une bonne solution pour réduire l’extraction des matières premières. La réparation, le tri des déchets, le réemploi des matériaux et des équipements font partie des engagements forts du Gouvernement. Peu à peu, l’économie devient circulaire, c’est-à-dire qu’une réflexion est menée afin de rendre réutilisable le produit en fin de vie. Par ailleurs, l’Europe a pris des engagements forts : 70 % des déchets du BTP devaient être recyclés avant 2020 (plan « directive-cadre déchets »). Les professionnels de l’industrie extractive se félicitent d’avoir dépassé ce seuil, avec près de 80 % de taux de recyclage réalisé. Un nouvel objectif à 90 % est d’ores et déjà envisagé.
Le projet National RECYBETON
Les professionnels se sont engagés à lutter contre les effets du dérèglement climatique engendrés par l’industrie du béton. Ainsi, 47 organismes se sont regroupés et concertés pour tenter d’améliorer le cycle de vie du béton et de favoriser son réemploi dès sa phase de conception. Cela implique notamment une meilleure identification des matériaux de construction afin de faciliter le démontage et le tri. Ce projet national soutenu par le ministère de l’Environnement, de l’Énergie et de la Mer se nomme RECYBETON. Actuellement, les résultats ne donnent pas entière satisfaction. Par exemple, les tests ont révélé que plusieurs cycles de recyclage d’un même béton pouvaient altérer ses propriétés (abaissement de l’élasticité ou accroissement des retraits, par exemple) et cela dès le premier recyclage. La recherche progresse et d’autres études devraient permettre prochainement d’améliorer les performances et le rendement du béton recyclé afin qu’il puisse être comparable à un béton neuf !
Où et quoi recycler dans le béton ?
Le béton recyclé, selon sa nature, peut provenir de différentes sources (déchet de fabrication ou de déconstruction). Par ailleurs, certains de ses constituants sont plus difficilement valorisables.
Les sources du recyclage du béton
Le béton recyclé peut avoir deux provenances différentes :
- Béton récupéré lors de son processus de fabrication (déchets d’usine de béton prêt à l’emploi, d’usine de préfabrication, béton durci, retours de chantiers, etc.).
- Béton obtenu par la démolition ou la déconstruction d’un ouvrage.
Dans le 1er cas, le recyclage est simple à réaliser, car aucun tri complémentaire n’est nécessaire. Le béton frais peut être récupéré par lavage (avec ou sans criblage, selon les cas) et le béton durci peut être concassé. Dans le second cas, le béton sera analysé pour recevoir un traitement adapté.
Les différents types de déchets du béton
Les bétons peuvent être regroupés en 3 grandes familles de déchets minéraux :
- Les déchets du béton armé et non armé, produits en béton, mortiers, maçonnerie en béton, etc.
- Les mélanges de bétons, briques, céramiques, etc.
- Les terres et les cailloux.
Il est à noter qu’une partie du béton (20 % environ) ne se décompose pas et n’est donc pas facilement revalorisable, ce sont les « déchets inertes » (tuiles, enrobés bitumineux, etc.). Ces derniers sont stockés dans une « Installation de Déchets Inertes » (ISDI) en attendant de pouvoir être réutilisés pour servir de remblai, par exemple. Certains déchets seront enfuis directement sous terre. Les déchets inertes dangereux (amiante, goudron, houille, bétons contaminés des centrales nucléaires, etc.) doivent recevoir un traitement de décontamination.
Les granulats de béton recyclé

Les granulats de béton recyclé (GBR) sont fabriqués à partir de la démolition ou de la déconstruction d’ouvrages. Actuellement, ces granulats servent principalement de remblais ou en sous-couche de chaussées. L’amélioration des techniques permet désormais d’utiliser le béton recyclé pour un usage structurel. Cependant, pour concevoir un granulat de béton recyclé adapté à cet usage, il est nécessaire de recourir à des traitements thermiques et chimiques. Ces traitements sont parfois fortement consommateurs en énergie ou en produits nocifs. L’impact énergétique et de la pollution générée par le recyclage du béton doivent être étudiés pour que cette opération ait un réel intérêt écologique.
Pour être de bonne qualité, les GBR doivent comporter une teneur élevée en béton. C’est pourquoi il faut toujours favoriser la déconstruction à la démolition. En effet, il est ainsi plus facile de décomposer les constituants du béton et de faire un meilleur tri complémentaire. Lors d’une démolition, le béton est souvent mélangé avec des matériaux rocheux ou contaminants (plâtre, bois, plastique, etc.). Pour les bâtiments dont la surface SHOB est supérieure à 1 000 m², un diagnostic pour identifier les déchets est obligatoire avant la démolition (décret n° 2011 — 0610 du 30 mai 2011). Cette obligation s’applique également aux bâtiments industriels, agricoles ou commerciaux, avec ou sans stockage de produits dangereux.
Le laitier de haut-fourneau

Acier et béton, même combat ! Bien que l’acier soit recyclé depuis bien plus longtemps que le béton, celui-ci dispose d’une empreinte carbone tout aussi importante. Toutefois, les aciéristes se sont aperçus que des effets de synergie étaient possibles entre ces deux matériaux. En effet, le laitier (sous-produit de la fonte) après broyage peut remplacer partiellement le clinker. Le clinker, pour rappel, est l’un des principaux constituants du ciment, dont le processus de fabrication est particulièrement énergivore.
Le mâchefer

Le mâchefer est le résidu obtenu après l’incinération du charbon ou des déchets dans les usines d’incinération. La fabrication du béton de mâchefer permet de réduire la quantité nécessaire de ciment. Le mâchefer est souvent placé en sous-couche de voirie. Toutefois, des recherches sont en cours pour l’utiliser pour d’autres usages, comme pour traiter le biogaz à la place du charbon actif actuel, par exemple.
Les étapes de recyclage du béton
Pour recycler le béton, l’ouvrage peut être démoli ou déconstruit. La démolition s’avère plus rapide que la déconstruction, mais nécessite un temps de tri plus long. La déconstruction exige plus de main-d’œuvre, mais permet de meilleurs résultats.
Recyclage du béton par démolition
Avant toute démolition d’un bâtiment, d’une route ou d’un équipement, les éléments contaminés (amiante, plomb, etc.) sont séparés du reste de l’ouvrage. En effet, la démolition ne doit pas être une source de pollution ou d’émissions de substances dangereuses pour les personnes situées à proximité du chantier. L’abattage se fait en ciblant des points de structure précis pour limiter l’impact de l’effondrement de l’ouvrage. Généralement, les matériaux sont détruits à l’aide de gros engins de chantier (pelles mécaniques, bulldozers, etc.). Les gravats sont ensuite placés dans des bennes et triés par types de déchets. Toutefois, ce tri est rarement optimisé, par manque de place. La destruction a tendance à provoquer un mélange du béton avec les déchets inertes.
Les techniques de démolition
Il existe plusieurs méthodes de démolition :
- La méthode manuelle, qui consiste à démolir d’abord la partie haute d’une structure, mais sans endommager les fondations (appelée méthode de « dérasement »). Ou à l’inverse, la démolition peut s’opérer par le bas en réalisant des saignées au niveau des fondations (appelée méthode de « sapement »). Après chaque saignée, une cale est placée à l’endroit de la fente. L’effondrement est obtenu par la destruction des cales.
- La méthode mécanique, qui a recourt à des engins de chantier (pelle mécanique ou hydraulique, grosse boule métallique suspendue à un câble, mise en traction avec l’aide d’un câble, découpage au diamant ou à la scie, etc.).
- L’écrêtage, dont le but est de détruire le niveau supérieur d’un ouvrage tout en conservant le niveau inférieur. Des mini-engins de démolition sont hissés pour détruire le béton par le haut.
- La démolition par expansion, après forage, un écarteur ou un vérin hydraulique se glisse dans le trou pour exercer un écartement ou une poussée. Des fissures murales apparaissent, la maçonnerie éclate et se disloque.
- La démolition par explosifs, qui est réalisée par dynamitage après introduction d’une charge explosive dans un trou foré. Cette technique est encadrée par une équipe de spécialistes en explosifs.
- La démolition par procédés thermiques, qui consiste à découper les matériaux avec des outils thermiques, comme une lance à oxygène, une torche plasma, un laser ou avec un chalumeau.
La démolition par procédés chimiques, avec l’introduction d’un mortier expansif (à base de chaux vive hydratée) dans des trous forés. Sous l’effet de la dilatation et de l’expansion du produit chimique, la structure est déstabilisée et l’ouvrage s’effondre.
Les engins de démolition





Recyclage du béton par déconstruction
La déconstruction demande beaucoup de temps et de main-d’œuvre. En revanche, cette opération permet de mieux séparer les déchets inertes (plâtre, bois, plastiques) du reste du béton réutilisable. Ainsi, cette méthode présente un intérêt environnemental ! Les bétons peuvent être concassés sur place avec une « installation d’élaboration mobile » ou envoyés dans un centre de recyclage.

Les différentes étapes de la déconstruction
La méthode de déconstruction présentée ci-après est celle qui devrait être en théorie toujours appliquée. Dans les faits, la plupart des plateformes ont tendance à simplifier ce procédé (source : ADEME).
- L’extraction des éléments métalliques. Un premier tri est réalisé pour éliminer les matériaux ferreux avec l’aide de séparateurs magnétiques.
- Les déchets inertes sont retirés par des systèmes de tri (séparateurs manuels, pneumatiques, hydrauliques, etc.).
- Le concassage,qui consiste à réduire la taille du béton afin que les granulats disposent de la « classe granulaire » voulue. Les gravats prennent alors une forme angulaire, de taille variable. Le concassage est obtenu avec un concasseur à mâchoires ou à percussion.
- Le criblage, qui permet de séparer les fractions les plus fines de granulats (sables, gravillons, etc.) Le criblage peut s’effectuer à sec (par aspiration ou par soufflage) ou avec de l’eau (cuves, bassins de décantation, floculation des argiles, etc.).
Le dépoussiérage, pour nettoyer les granulats grâce à un système à air comprimé ou par voie humide (lavage). Cette dernière méthode s’avère plus efficace, mais elle est aussi plus polluante (eaux polluées et boues).

Les méthodes de tri du béton recyclé
Le tri des gravats est une opération très importante à réaliser, car la qualité des granulats de béton recyclé en dépend ! De nombreuses techniques sont couramment employées :
- Le tri par densité. La technique dite de « jig » permet de séparer les constituants du béton à recycler en utilisant la force gravitationnelle. Les particules sont vibrées dans un fluide (air ou eau) par l’intermédiaire d’un trommel (tambour rotatif), de spirales ou d’un aquamoteur (système de vis sans vin partiellement immergée dans de l’eau). Les mouvements verticaux du fluide conduisent à un tri par phénomène de stratification densimétrique.
- Le tri par capteurs optiques. Il s’agit d’une méthode automatisée réalisée à partir d’une machine capable de trier les matériaux selon leur couleur ou leur forme.
- Le tri par capteur proche infrarouge (NIR). Le principe de fonctionnement est identique au précédent, sauf que la technologie infrarouge allie la détection des couleurs et de la matière.
- D’autres technologies sont parfois également utilisées, comme la détection par rayons X, ou par spectroscopie Raman, qui analyse la structure et la composition moléculaire des matériaux.
Les autres traitements possibles du béton concassé
Dans le but d’abaisser toujours plus la teneur en mortier et d’obtenir une parfaite granulométrie, le béton concassé peut subir des traitements complémentaires :
- Traitements mécaniques :
- Avec une machine à abrasion, qui fonctionne avec une sorte de cylindre rotative contenant une charge abrasive (bille d’acier) et de l’eau. Cette méthode permet de tester la résistance à l’usure du granulat en le soumettant à des chocs ;
- Par sablage, le mortier est broyé grâce à un système d’arbre cylindrique ou conique en rotation ;
- Par jet d’eau à haute pression (entre 200 et 3 000 bars).
- Traitements chimiques. Le béton concassé est plongé dans un bain d’acide chlorhydrique, salicylique ou sulfurique pour une durée maximale de 24 h. Ainsi, le matériau se détériore et l’ensemble est lavé pour supprimer les résidus ;
- Traitements thermiques. Les granulats recyclés sont chauffés à une température de 300 à 700 °C afin de dégrader la « pâte de ciment », mais sans altérer les propriétés des granulats. Le traitement thermique peut également consister à soumettre les granulats à des cycles répétés de froid (gel-dégel) pour provoquer la fissuration interne des matériaux ;
- Traitement par micro-ondes. Les granulés sont chauffés par ondes électromagnétiques dans le but d’entraîner des dilations différentielles jusqu’à déclencher la fissuration de la pâte de ciment.
- Traitement aux ultra-sons. La propagation d’ondes ultrasonores, en traversant les granulats, va générer un phénomène de pression (ondes réfléchies et transmises) et ainsi fissurer la matière. Ce système est reconnu pour être efficace, mais très consommateur en énergie.
- Traitement thermomécanique. Cette méthode combine celle du traitement thermique et mécanique. Le chauffage dégrade les granulats, ce qui facilite la séparation des composants par le cylindre en rotation.